France

Comment les journalistes peuvent-ils raconter la guerre ? (#SPME23)

Cette année, le thème de la Semaine de la presse et des médias dans l’école est « L’info sur tous les fronts ». Nous avons choisi de t’emmener sur une véritable ligne de front, celle de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Là, des journalistes partent faire des reportages pour que l’on sache ce qu’il se passe vraiment. Un travail capital dans un moment où se déroule un événement important pour toute la planète.

Article écrit le 09 mars 2023 à 00h18 par Propos recueillis par Caroline Gaertner. Temps de lecture :
Un journaliste s’éloigne après un bombardement près de Bakhmout, à l’est de l’Ukraine. Photo AFP/ Bulent Kilic

Chemin inverse

Quand la guerre éclate dans un pays, comme en Ukraine le 24 février 2022, la plupart des personnes fuient. Les journalistes correspondants de guerre, eux, font le chemin inverse. Ces hommes et ces femmes se rendent sur place pour raconter ce qu’ils voient. Ils ont en commun la passion de découvrir ce qu’il se passe dans le monde et n’ont pas peur d’affronter le danger.

Dire la vérité

C’est un travail précieux car, souvent, les autorités des pays en guerre tentent de raconter l’histoire à leur manière, en se faisant passer pour la victime ou pour le meilleur. Comme tous les journalistes, et peut-être plus encore, les correspondants de guerre ont le devoir d’informer et de dire la vérité. Ils ne racontent que ce qu’ils ont pu voir ou alors ce qu’ils ont appris après avoir mené une enquête. Sur place, ils doivent aller à la rencontre de la population, des autorités, et parler aux militaires des 2 camps, lorsque c’est possible.

Ne pas donner leur avis

Quand ils font leur reportage ou quand ils passent à l’antenne, ils essaient de ne jamais dévoiler ce qu’ils ressentent, même s’ils ont vu des images très dures. Ils ne doivent pas montrer s’ils sont pour un camp ou l’autre.

Seul ou pas

Tous les reporters qui partent dans les pays en guerre ne travaillent pas de la même façon. Certains sont employés par un journal, une chaîne de télévision ou une radio. D’autres sont indépendants, ils travaillent seuls et proposent leurs reportages à des médias. Ils partent par leurs propres moyens, paient eux-mêmes leur billet d’avion et doivent trouver des contacts sur place. Un journaliste rattaché à une rédaction prend moins de risques lorsqu’il se déplace sur un terrain en conflit. Car le média le protège en cas de blessures et lui paie son voyage.

Face au danger

Le journaliste de guerre sait qu’il va au-devant du danger, mais il mesure toujours les risques. Il ne se déplace pas seul et son premier réflexe, c’est de trouver un fixeur. Ce dernier le conseille pour ses déplacements. Le reporter peut aussi discuter avec les militaires, comme le raconte Omar Ouahmane dans son interview. Quand il travaille dans une zone dangereuse, le journaliste porte un casque et un gilet pare-balles, qui protège des tirs son torse, la partie haute de son corps. Sur ce gilet, il y a l’inscription « Presse », afin que l’on sache qu’il est là pour travailler. Pourtant, 8 journalistes ont perdu la vie en Ukraine depuis le début de la guerre.

Nos yeux et nos oreilles

Le correspondant de guerre ne craint pas seulement les combats. Il y a des pays où il n’est pas le bienvenu. Pourtant, des centaines d’hommes et de femmes continuent de se rendre sur des terrains de guerre pour raconter ce qu’il s’y passe vraiment. Ils sont nos yeux et nos oreilles dans ces zones où nous ne pouvons pas aller.

C'est quoi ? Un fixeur

C’est une personne de confiance qui aide les reporters. Souvent, il s’agit d’un habitant du pays. Comme il parle la langue locale, il va aider les journalistes à organiser leurs reportages. Il peut leur expliquer comment faire pour se rendre à tel ou tel endroit. Parfois, il est aussi leur chauffeur. Il leur permet de trouver des contacts, des personnes à interroger et les rend attentifs aux dangers qui peuvent arriver.
Les fixeurs sont donc des interprètes, des guides, des intermédiaires. Bref, des soutiens indispensables au journaliste de guerre. Dans certains pays, ils courent de très grands risques en les aidant.

Interprètes : personnes qui traduisent une langue.

Photo JDE/DR

Omar Ouahmane , 54 ans, est un journaliste français de radio. Il travaille pour Radio France et part régulièrement dans des pays en guerre, pour observer et raconter ce qu'il s'y passe. Il est actuellement en Ukraine.

Comment dites-vous à vos enfants que vous partez dans un pays en guerre ?

« J’essaie de les protéger, de leur expliquer que leur papa n’est pas fou, qu’il a envie de rentrer. Je ne parle pas de mon travail en Syrie, en Irak, au Mali… La guerre n’a pas sa place à la maison. »

Êtes-vous en danger en étant à Kiev ?

« L’Ukraine est un pays en guerre, mais toute l’Ukraine n’est pas une ligne de front. Plus on s’en rapproche, plus on se met en danger. À Kiev, il y a parfois des bombardements, mais il y a une défense antiaérienne qui protège la ville. Si je vais en Ukraine, ce n’est pas pour rester à l’abri. Mes chefs savent que s’ils m’y envoient, c’est pour me rapprocher au maximum du front. »

Vous avez le droit d’aller partout ?

« Partout partout ! Les militaires ne peuvent pas nous interdire d’aller dans un endroit. On fait ce que l’on veut, mais si on franchit la ligne rouge, on devient belligérant. On est soumis aux mêmes attaques que les militaires. Avec un autre reporter et notre fixeur , Yashar Fasilov, on s’est retrouvés dans des situations où, si on avançait beaucoup plus, on était en danger de mort. Même les militaires ukrainiens nous ont dit : “Mais qu’est-ce que vous faites là ?” Après c’est à nous, en tant qu’équipe, de décider si on va plus loin ou pas. »

Avez-vous croisé des enfants ?

« Le simple fait de croiser des enfants dans des zones de guerre, je trouve ça incroyable. Fin décembre, j’étais à Boutcha, où les Russes ont commis des actes très graves. J’ai croisé des enfants avec qui j’ai discuté. Ils se sont mis à chanter l’ hymne ukrainien. Cela m’a touché, car c’est ça, en fait, qui est en jeu. C’est l’avenir de l’Ukraine en tant que nation, que langue, que culture. La résistance ukrainienne ne date pas d’hier. Ce sentiment, quand vous êtes un journaliste français dans ce pays, vous le ressentez au fond de vous-même. Et vous vous dites que finalement, ce peuple est prêt à mourir jusqu’au dernier pour exister. »

Ligne de front   : zone où se déroulent les combats.
Belligérant  : qui prend part à une guerre.
Hymne   : ici, chant qui célèbre un pays.

Un prix spécial

Créé en 1932, le Prix Albert Londres rend hommage au grand reporter français du même nom. Il récompense des journalistes qui réalisent des reportages en français et mènent des enquêtes précieuses pour raconter la guerre ou découvrir ce que certains tentent de cacher.

Lire le JDE de la semaine

L’info simplement, pour vous et vos enfants

Inscrivez-vous sur la newsletter du Journal des Enfants. Chaque semaine, grâce au JDE, recevez les clés de l’info pour accompagner vos enfants.

Désinscription à tout moment. Protection des données